mardi 1 décembre 2009

Yes

Bon, je sais que j'ai encore laissé dix messages en suspend.
Je sais que ça fait un mois que je donne pas de nouvelles, voir plus.
Mais là, là, je viens de débarquer.
C'était inattendu, c'est plutôt pas mal.
Je suis dans un train dans la capitale et je crois que je vais y rester quelques jours, le temps de transitionner et de préparer la suite.
De ma petite retraite, je vous raconterai la suite de mes histoires chiantes et toutes les nouvelles aventures qui ont animées la fin de ce voyage!

vendredi 16 octobre 2009

La remontée.

J'ai toujours du mal à réaliser quand le froid revient qu'il faut que je me couvre un peu plus. Ressortir les pulls, les pantalons, les chaussures fermées. Un peu l'inverse de la grenouille qui bout dans le film d'Al Gore. Je chope un rhume presque à chaque fois. Surtout quand l'hiver arrive à trop grands pas.


Chez nous, l'hiver arrive à coup d'environ 430 miles nautiques par 24 heures!


Ce matin, nous passerons les Canaries. Leçon du quart d'hier: j'ai pris un pull, mais trop tard; j'éternue et je mouche... Remarque, on a jamais vu personne crever par une aube à 25 degrés.


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Vous savez comme on se plaît à imaginer qu'un bon morceau des ondes qu'on émet un peu partout sur Terre vont se perdre dans l'espace pour charmer l'oreille de petits hommes verts? Eh bien, il existe cet endroit sur la côte d'Afrique: le Cap Blanc, où pour une raison mystérieuse reviennent s'écraser une partie d'entre elles.


Le Cap Blanc est un endroit étrange pour les marins. Non content d'être immédiatement voisin du fameux Banc d'Arguin qui en a médusé plus d'un (hahahaha, jeu de mot à dix balles! Ok, je vais me coucher), on y entend aussi sur la VHF des voix qui parlent à plus de mille miles de là (sachant qu'une VHF puissante émet en moyenne à soixante miles max)!


Les radars, aussi, ont la facheuse tendance de se couvrir de faux echos. Phénomène que l'on justifie par l'imposante masse de roches magnétiques qui forment le cap lui-même.

Pour ce qui est des radios, on trouvera peut-être l'explication dans des conditions atmosphériques particulières (genre l'Harmattan qui balaie l'océan un peu plus au nord) qui forment un duct d'onde.


Mais bon, je précise ça parce que je sais que j'ai un lectorat cartésien qui ne se satisferait pas de vieilles et plus modernes légendes: à part moi, je préfère bien garder à l'endroit sa part de mystère!

La fumée du Havane

La lune se reflète doucement sur la surface, signe que les vents sont complètement tombés. Le navire ne roule plus, vibre peu: il file silencieusement entre les lignes de grains. Nous traversons le pot-au-noir; encore quelques jours et ce sera le Cap-vert, puis les Canaries qui marqueront certainement notre retour à l'hiver!


Cette zone sent le vide. Bien nous va de ne faire que la traverser: à petite dose elle ramène la sérénité; mais, trop longtemps ses prisonniers, elle crée un certain malaise.

En l'occurrence, un peu de détente est bienvenue: la tournée du sud aura bien vallu pour cette fois la tournée du nord en fait d'émotions.


Si l'on voulait remonter aux causes toutes premières de nos ennuis, on se perdrait sans doute en conjectures et dans le temps, dans les historiques de maintenance de l'année écoulée. Mais contentons nous de revenir à ce que virent ceux qui ne descendent pas dans les entrailles surchauffées de notre petit navire.


Tout a commencé par un panache, un grand panache de fumée blanche qui s'élevait dans le ciel clair et matinal d'une de ces îles du nord de la Caraïbe. Pour moi, libéré du quart une heure plus tôt, le temps était à la détente et, pour ne pas manquer à la tradition, j'avais quitté le bord, armé de mon seul masque de plongée, pour aller lutter à ma façon contre mon réchauffement planétaire. La houle agitait assez copieusement la baie ouverte pour que je me contente de marcher au bout du quai avant d'abandonner polo et savates et plonger dans l'eau turquoise. Je passais une petite demi-heure à barboter comme ça avant de me décider à retourner au bateau pour lequel je devais aller faire quelques achats en ville.

C'est sur le chemin du retour que je le vis s'élever. Puis retomber avec lourdeur et se dissiper par l'arrière. Passé ce coup de semonce, la cheminée se mit à cracher en flux régulier, comme un croiseur, une quantité sérieuse de vapeur. Rien de bien normal. Arrivé à bord, je me fendis d'un coup de fil aux mécanos pour leur suggérer un coup d'oeil à leurs échappements puis, la conscience tranquille, filais à mes courses.


Nous appareillâmes le soir, mais en forme de faux départ. Quelques miles après avoir débarqué le pilote, clair des côtes et le courant ne nous portant que vers le large de la mer intérieure, au loin des îles: nous mettions en panne. Nous passâmes quelques heures à la dérive, en vue de l'île de Saba, dont les formes escarpées et malveillantes éveillent en nous, chaque fois que nous la croisons, fantasmes et curiosité. Quoi qu'il en soit rien ne viendrait étancher cette dernière et les mécanos ne viendrait pas non plus à bout du mystère de la chaudière: un problème de plus qui s'ajoute au dossier de celle-ci. Avais-je préciser comment son brûleur avait à demi exploser avant de quitter l'Europe?


L'escale suivante donna aux mécanos l'occasion d'une nuit blanche et de plus amples investigations, mais sans plus de résultat. L'origine de la fuite de vapeur demeurait introuvable. D'autres pannes vinrent ajouter au trouble, et au malaise qui gagnait entre les officiers mécaniciens. Les accusation d'incompétence volaient bas, aussi bas que la pression vapeur.


La vapeur, sur un navire motorisé comme le notre est un auxilliaire. Elle ne sert pas à la propulsion directement, mais elle n'en est pas moins vitale: elle sert au réchauffage. Au réchauffage d'un peu tout ce qui en a besoin, du moteur quand il ne tourne pas, et surtout des soutes de fuel lourd, qui sans cela deviendraient aussi solide que du goudron d'autoroute et complètement impompable: panne sèche assurée.


La chaudière est mixte: lorsque nous sommes en route la chaleur est extraite des gaz d'échappement du moteur principal, augmentant ainsi notablement le rendement de l'ensemble, à l'arrêt, un brûleur prend le relais. La vapeur tourne en circuit fermé, ce qui explique que nous ne nous autorisions pas de fuite excessive puisque la réserve d'eau est limitée. Son niveau dépend directement de ce que peut fournir le bouilleur (un désalinisateur) qui ne peut tourner qu'en route et dont la production des dernières semaines laissait déjà à désirer. Il était, en tout état de cause, incapable d'étaler une fuite qui augmenterait la consommation d'eau distillée en plus des besoins quotidiens du bord en eau douce. Le bosco avait déjà reçu consigne de se montrer plus qu'économe dans sa consommation et le lavage du pont fut reporté. A chaque port, il fallut déployer les manches pour approvisionner nos caisses en eau douce et ainsi garantir le niveau de la caisse eau distillée à laquelle le bouilleur se dédiait tout entièrement, désormais.


Dans les jours qui suivirent, d'autres difficultés vinrent éclipser la question de la fuite de vapeur qui accaparait les mécanos jusqu'à la venue d'un technicien d'Europe. En particulier, le brûleur de la chaudière devint capricieux au point de ne plus s'allumer du tout. On dut limiter les allocations de vapeur au minimum et bientôt faire tourner le moteur principal au diesel, qui ne nécessite pas de réchauffage, pendant les manoeuvres.


Tout cela nous mit légèrement en retard, sans plus, mais plomba encore un peu plus l'ambiance à la machine et nos statistiques de consommation, nous forçant à ajouter une escale uniquement pour le soutage, histoire d'être sûr de pouvoir rentrer en Europe. Après de longues tergiversation, la direction de la ligne décida de nous envoyer dans un port du nord brésilien, tapis dans la baie de San Marcos.


Une escale minutée qui durerait finalement bien plus longtemps...


A suivre...

vendredi 25 septembre 2009

Précisions...

Hihi! Spéciale dédicace à notre Cerise nationale!

J'ai cinq minutes, alors je développe:

_ à chaque quart, on fait une petite manip' rapide qui consiste à prendre le relèvement d'un astre. On le compare ensuite avec son azimut calculé grâce aux éphémérides nautiques... Cela nous permet de savoir si notre compas est juste. Car malgré toute la technologie déployée, rien ne sert de courir la vague si elle n'est pas ajustée à point!

_ de même pour le positionnement: le GPS, c'est bien, mais d'une part ça n'est pas infaillible; d'autre part, heu, ça n'est pas infaillible. Donc, quand le temps s'y prête, on sort le sextant! Car pour se positionner, il va nous falloir la hauteur d'un astre ou du soleil à un temps précis (la seconde près). Ensuite, on part d'une position estimée et on calcule à l'heure dite, la hauteur à laquelle on devrait observer l'astre (toujours en fourrageant dans ces maudites éphémérides ou dans le fameux almanach Brown, pour les navires un peu anglo-saxons). On fait la différence des deux, puis on reporte cette distance en secondes à partir de la position estimée dans l'azimut de l'astre (calculé aussi). Perpendiculaire au point obtenu on peut tracer une première "droite de hauteur" (en fait, l'approximation locale d'un arc de cercle), sur lequel on se trouve. Suffit de s'en taper trois comme ça, et l'intersection nous donne la position du navire!

Claaaasse non?


Bon, on fait les TP au prochain dîner des blogueurs!


Je dois filer, j'ai un vieillissement à fêter dans un resto à peine légal à la lisière de la jungle!

Clandestin...


jeudi 17 septembre 2009

Un quart de nuit, comme une playlist...

A la descente nous changeons d'heure toutes les vingt quatre heures. Chaque nuit dure une heure de plus. Nous nous la partageons entre les officiers de quart. Le reste, c'est du sommeil en cadeau. Ce matin, c'est donc pour trois heure quarante que me réveille le Lieutenant Navigation.


Lorsque j'arrive à la passerelle, Jupiter brille au ponant, juste au dessus de l'horizon, elle sera parfaite à tirer pour une variation (le calcul de l'erreur du compas, gyroscopique en l'occurence).


Je rêgle les appareils à ma convenance, branche mon ordi sur iTunes DJ et vais pour m'installer confortablement, donnant congé à Sergei: je lui souhaite la bonne nuit et lui dis à demain. Il me reprend en me disant qu'on est déjà "demain". Je réplique que vu le bordel de la vie à bord, tant que je dors entre les deux: c'est demain! Il part en rigolant.


- Téléphone: Le chat -


Mais entre temps, Jupiter a disparue! Happée par les nuages bas sur l'horizon. Je suis déçu et me dis que je ferai ma variation plus tard, les autres étoiles sont plus hautes et moins brillantes. Et puis je suis pris d'un doute affreux. Je lance Winstar (parce que je suis flémmard et tant qu'a avoir un logiciel efficace) et simule le ciel. Diable. Couchée dans 5 minute. Raté pour Jupiter: je ne la verrai pas ressortir ce matin. Je simule l'heure suivante. Venus se lève sous peu: parfait. Rassuré, je profite du temps imparti pour me mettre une tasse de thé à infuser. Armé de cette dernière et d'un croissant grappillé au carré avant de monter, je m'installe sur l'aileron et profite du vent léger.


- Air: Moon Safari -


Venus est sortie. Je m'en vais sur l'aileron tribord monter l'alidade sur le répétiteur du gyro, décidé à ne pas la manquer. Sous le vent, on sent la cheminée mais babord a été testé aux quarts précédants. Je vise, note mentalement le relèvement et enclenche mon chronomètre, puis à la table à carte, la postion, notre cap et l'heure précise. Je cale le petit papier sous le compas, vais chercher l'almanach nautique Brown et le pose à coté: je ferai les calculs plus tard, à la lumiere du jour.


-J.S. Bach: Suite pour violoncelle n°1 -


Sur le radar de petites tâches jaunes apparaissent. Des nuages clairement. Un alignement parfait. J'en profite pour comparer leur trace rémanente aux indications de l'anémomètre que l'on pensait douteux. Les deux concordent: vent établi du sud ouest force trois. Avant peu nous serons sous la pluie.


- Sufjan Stevens: Chicago-


Je cogite un peu pendant ces quarts. J'ai appris incidemment que les matelots étaient sur le point de se tatouer entre eux. A défaut de pouvoir limiter ce genre de pratiques, j'envisage d'en parler au Commandant, pour pouvoir stériliser leur matériel et leur fournir quelques accessoires afin d'éviter les désagréments. On pourrait aussi envoyer un mail au centre de Purpan, histoire de récupérer quelques conseils.


- Mylo: Paris Four Hundred -


L'horizon se bouche. Tout d'un coup, l'avant semble pris dans du coton: dans l'obscurité, les vibration couvrant le bruit des gouttes, on sent, plus qu'on ne voit, la pluie.

Je m'arme d'un canari pour aller dessaisir la porte de l'aileron. L'averse fouette, je tire la lourde porte et pèse sur la barre de verrouillage, puis je retourne sur le tableau de bord.

Je vais pour atteindre la commande des essuises-glaces, mais dans le noir, ma main heurte le joystick de commande de la barre; balançant celle-ci en mode manuel. Le pilote automatique beugle son mécontentement à grand renfort de diodes rouges. Toujours surprenante cette alarme! Je tatonne un peu pour trouver le bouton d'aquittement. Ca devrait pourtant tenir du reflexe, ce coup, c'est la blague classique qu'on fait à tous les nouveaux embarquant: en ajoutant quelques hurlements de terreur, effet garanti! J'attrape une lampe torche. "Previous mode. Autopilot en fonction, je re-rentre le cap.


- Eddy Vedder: Society -


Je me rassoit dans le fauteuil. Puis me relève et replonge ma boule à thé dans une tasse d'eau chaude. Seconde infusion, plutôt de l'eau sucrée qu'autre chose: j'ai juste besoin de boire chaud. Porte fermée, privée du courant d'air légèrement tropical, la passerelle se rafraîchit au rythme rapide de la climatisation.


Je cogite encore. Je pense au congés à venir. Berlin, sans doute, l'appartement que j'y aurai. Sa décoration. J'imagine mon bureau, des grandes fenêtre, la grisaille. Le feu de tête de mât avant se départit de ses moustaches: la pluie a cessée. De l'autre coté des nuages, le ciel est clair, un petit croissant de lune rince les constellations les plus hautes.


- Richard Les Crees: Good inside -


Le bouton de "l'homme mort" pulse, je l'écrase avant qu'il ne se mette à sonner. Celui-ci est si strident qu'il ferait passer l'alarme du pilote auto pour un vieux chat $$$$$$$. Le jour ne vas pas tarder à se lever. A l'horizon, un petit point: navire! Je vérifie le radar, confirmation. Le premier depuis deux jours. Route opposée, CPA (closest point of approach) à 2,5 miles. Il vient sans doute de là où nous allons et va là d'où nous venons.


- Pulp: Feeling called love -


Je reporte mes points sur la carte lorsqu'elle se couvre de petits points lumineux. Le soleil émerge et se reflète dans la mini-boule à facette suspendue aux lampes de la table. Il rase les grues et me chauffe la nuque. Le navtex déroule doucement un bon mètre de papier thermique avec les messages du matin.


- Her Space Holliday: You and Me -

lundi 7 septembre 2009

Embarquement

Parfois, on a super pas la foi. Le genre de pas la foi où on voudrait juste rentrer chez soi, ou du moins rester en vacances, parce que là, vraiment: on est pô capab'.


Hier en arrivant à bord, c'est un peu le genre de sentiment que j'avais. Passé les formalités d'usages, la présentation avec celui que je relevais, le passage de la suite, je me suis retrouvé libre et seul à cogiter sur les quelques mois de mer qui se profilaient. La perspective d'un embarquement long, pis le Prince Charmant (avec lequel j'avais un peu recollé pendant la dernière semaine) laissé derrière, tout cela concourrait à me coller le blues.


Puis l'action chasse les doutes. Le premier quart, sous un soleil de plomb. Je trouve le soleil du nord différent: est-ce que c'est parce qu'il y vient plus rarement qu'il tape plus cru? Avant deux heures de ce traitement, je sentais déjà poindre la migraine. Cependant, pour un premier jour il s'agissait de faire bonne figure. Surtout j'étais plutôt gâté: une cinquantaine de minute d'opérations commerciales seulement, puis la finition en douceur avec le pilote deux heures plus tard.


19h00, pilote à bord. Il est temps de voir si l'on a pas trop perdu les bon réflexes. Je suis de manoeuvre à l'arrière. Avec moi, deux matelots et un ouvrier mécanicien, ça sera l'occasion de les jauger autant que moi, ils ont tous embarqué trois jours plus tôt à Rotterdam et certains ne connaissent pas encore le navire. Capeler le remorqueur, puis dédoubler les amarres. Les treuils grincent. Les gestes sont un peu hésitant, nos signaux parfois incompris. Larguer les gardes, les pointes, toutes les lignes sont claires. L'arrière déjà a deccosté. Un petit coup de propulseur d'étrave et le navire se place tranquillement dans le courant: nous descendons la Seine.


Terminé pour la manoeuvre, finalement efficace. Mon équipe est bonne, un peu de polissage et je pense que nous serons au top! Je remonte à la passerelle. La migraine creuse son trou lancinant. Il reste trente minutes de quart, le fleuve se déroule devant nous, rythmé par les feux, les bacs et les petits villages aux toits normands. Je discute avec le Capitaine, je le connais d'embarquements précédents; je me dis que, si je focalise moins, le temps passera plus vite.


Le pilote égraine les caps, le timonier barre en silence et derrière nous, le soleil descend. J'ai vraiment de la chance de commencer mon embarquement sur cette note. J'apprécie le paysage et le calme champêtre de ces vallons que je quitte pour plusieurs semaines. Puis viennent vingt heures, enfin, je ne demande pas mon reste, passe le quart au Second Capitaine et file au carré: la stewardess m'attend avec mon dîner. Je n'ai même pas envie de manger plus que l'entrée et le dessert: même ça, je le fais pour ne pas être à jeun au réveil!... qui devrait survenir avant peu.


Le téléphone sonne, je trébuche dans le noir sur ma valise pas encore défaite. Dans la pénombre entretenue par la lumière d'un projecteur qui filtre au travers des rideaux, je me repère, trouve l'appareil plus au son qu'au reste et décroche: le Premier Lieutenant, appel au poste de manoeuvre. Je regarde ma montre: il est à peine une heure du matin. Je ne me souviens plus m'être endormi, juste, une poignée d'heures plus tôt, chercher le sommeil et chasser le mal de tête, blotti sous ma couette dans la cabine sur-climatisée.


Chaussettes, combinaison, pull? oui, pull, il doit faire frais au large à cette heure-ci. Chaussures, casque, radio. Je mets le nez dehors et je ne regrette pas d'avoir pris l'option pull: une petite brise balaie l'estuaire de la Seine alors que nous manoeuvrons pour rejoindre le chenal d'entré au port du Havre.


"_Passerelle de l'Arrière, pour essai.

_Oui l'Arrière, je vous reçois fort et clair.

_Fort et clair également. Peut-on avoir l'éclairage et un bord à quai?

_Tout à fait. Ce sera tribord à quai dans l'écluse, vous aurez un remorqueur à prendre derrière. La remorque du remorqueur par le chaumard central."

Les projecteurs s'allument, inondent la plage de manoeuvre d'une lumière jaune. Mes matelots arrivent.

"_Tout bien reçu pour l'Arrière. L'arrière paré à manoeuvrer."


Il fait frais, le Havre scintille au delà de la mer noir d'encre; première escale; une petite envie de dormir me titille, mais sans doute pas avant la fin de mon prochain quart, à huit heure. Pas de doute, plus de doutes: c'est parti!